Les origines

Mon cheminement

J’ai cherché une «approche somatique  intégrative», terme utilisé par analogie avec les courants de psychothérapie et de médecine intégratives. Je voulais articuler dans mes propositions  corporelles, différentes approches voisines ou apparemment sans liens. Je voulais confronter l’unicité de l’être humain dans son organisation neuro-anatomo-physiologique avec la diversité de ses fonctionnements, que reflètent la multiplicité et l’originalité de ces approches.
La méthode du Dr Ehrenfried, gymnastique holistique, le travail sur ballon de me Klein Vogel Bach, les techniques d’étirement musculo-aponévrotique  dites «stretching», la compréhension du fonctionnement des chaînes musculaires selon Mr L. Busquet, mes études de masso-kinésithérapie d’ergothérapie et d’ostéopathie, mais aussi mes expérimentations, plus restreintes dans le temps, de méthodes d’éducation somatique (eutonie, méthode Feldenkrais, M.L.C ), du tai chi, du qi gong, des arts martiaux…sont les fondamentaux corporels qui ont nourri mon travail .
J'ai observé les facteurs communs et dissemblables de ces différentes approches, quelles connaissances physiologiques, mécaniques, tissulaires, neuro musculaires, sensorimotrices, etc. éclairaient les effets de ces techniques.

Mon objectif a été de confronter l’unicité de l’être humain dans son organisation à la diversité de ses fonctionnements et interactions, que reflète la diversité de ces méthodes. Chaque approche enrichit les autres car elle révèle l’infinie richesse et complexité du Vivant, chacune honorant plus particulièrement tel ou tel aspect ou pédagogie.

Le ressenti profond que l’Etre est un tout , que le corps ne s’explique pas sans appréhender en même temps le cœur et la tête, m’a conduit aussi à explorer et vivre les approches de la P.N.L., de l’analyse jungienne, des thérapies transpersonnelles, du Dialogue Intérieur, des savoirs être des cultures et traditions du monde.

Les bases physiologiques et anatomiques

Ce travail corporel trouve son efficacité dans le respect de la physiologie. L’étude de la fibre musculaire et du tissu conjonctif, éléments constitutifs du système musculo-squelettique, met en lumière la nécessité d’assouplissements obtenus par des étirements tenus, lents, dans le sens de la fibre à allonger, sur un relâchement musculaire.

Le travail privilégie la stimulation de la musculature tonique nécessaire à notre station debout et à notre équilibre.

L’anatomie décrit la structure. Celle-ci s’est organisée au service d’une fonction. Les deux sont indissociables. La fonction n’est efficace que si la structure est libre d’agir; de même la structure est respectée si elle fonctionne dans les conditions pour lesquelles elle est prévue. Les mouvements proposés s’inscriront donc toujours dans cette compréhension et seront des gestes proches  de l’utilisation naturelle.

Les neurosciences approfondissent de plus en plus les mécanismes cérébraux de l’élaboration du geste moteur, les sciences cognitives étudient les processus mentaux qui soutendent l’acte de connaître, de faire attention, d’apprendre,  de mémoriser, etc.  Ces compréhensions vont nourrir la pédagogie proposée.

 

L'Education somatique .

Les origines

En Europe, à la fin 19eme siècle et début du 20eme, après un longue période de déni du corps, d’un dualisme corps-esprit qui faisait du corps une machine juste bonne a être entretenue, disciplinée, maitrisée, un nouveau courant émerge  sous l’impulsion de personnalités curieuses de ce corps qui est le leur, attentives aux informations qu’elles en reçoivent.
Ces personnes expérimentent alors  la pertinence de cette démarche exploratoire et sans jugement, des sensations apportées par le mouvement ou le positionnement, et en découvrent les bienfaits pour elles mêmes. Elles partagent cette découverte, la développent.  Ainsi naissent différentes méthodes : La méthode Alexander (Mathias Alexander 1869-1955), la méthode Feldenkrais (Moshe Feldenkrais 1904-1984), La méthode Ehrenfried (1896-1994), L’Eutonie de Gerda Alexander(1908-1994).
Les générations suivantes s’approprient ces approches et à partir de leurs expériences les déploient autrement, c’est l’anti gymnastique de Therèse Bertherat, la Méthode de Libération des Cuirasses de M.L.Labonté, Le body-mind Centering de Bonnie Bainbridge Cohen, Bones for life de Ruthy Alon…

Toutes ces méthodes se sont élaborées à partir de l’expérience personnelle, parfois des problèmes personnels, de leur initiateur, de l’observation et de l’interaction avec leurs élèves et de leurs échanges entre eux. Chaque individu étant unique et particulier, le corps étant infini dans sa variété et ses approches, le nombre de méthodes ne pouvait que se multiplier finissant par induire un foisonnement d’une grande richesse mais aussi de la confusion. 
Il devenait nécessaire de mettre en forme et en mots ce qui faisait que toutes ces méthodes se sentent « cousines » et de les fédérer. Le canadien Yvan Joly  a su théoriser avec pertinence la pratique et les observations communes à ces méthodes et en 1995 au Québec, les associations de praticiens de plusieurs d’entre elles ont crée le regroupement pour l’Education Somatique.
Plus récemment, cette démarche fédérative a vu le jour en France. A Lyon plusieurs praticiens de différentes méthodes se sont regroupés au sein de l'ESER pour confronter et enrichir leurs approches.

L’Education Somatique qu’est ce ?

L’Education Somatique, c'est le champ disciplinaire des méthodes qui s'intéressent à l'apprentissage de la conscience du corps vécu (soma) dans l'expérience du mouvement et de la posture.

Explorons chacune de ces données :

1) Apprentissage :

Il s’ agit d’«Apprendre la conscience du corps mais aussi d’ apprendre par la conscience du corps, ce qui est à la base même de l'apprentissage expérientiel. » nous dit Yvan Joly
L'enfant développe un sens de lui-même et de son environnement en prenant conscience de son corps dans l’interaction de celui-ci avec son environnement.
C’est donc en sentant la dureté du sol, le moelleux de l’oreiller, le rebond de la balle, la chaleur d’une main que petit a petit, il se construit et cet apprentissage sensorimoteur continue  tout au long de la vie .

2) Conscience :

En biologie on appelle conscience, la perception, la connaissance que l’être humain a de lui même, du monde extérieur et de leur interaction.
En Education Somatique c’est la conscience du corps qui va être l’objet de l’attention; en particulier la conscience du mouvement, de la respiration et de la posture.  Sentir quand je bouge, quand je me redresse, quand je change ma façon de respirer, les modifications des informations sensorielles mais aussi les changements  de l’état émotionnel, des sentiments, des images mentales . 

3) Le corps vécu (Soma) :

La notion de soma tel qu’il est entendu en éducation somatique c’est le corps  habité, c’est l’expérience du corps vécu de l’intérieur.

Connaître l’anatomie des os, des muscles, des organes, la physiologie de la contraction musculaire n’a rien à voir avec la connaissance du mouvement dans son corps. Parfois même un étudiant incollable en anatomie ne saura pas situer les éléments appris dans son propre corps !
La pédagogie de l’éducation somatique, même si elle intègre ces connaissances, se place résolument dans un point de vue à la première personne, le « Je ». Qu’est ce que « je » sens, en quoi cela me renseigne sur l’aisance ou non de mon geste, sur le confort de ma position, sur l’état de mes tensions musculaire, la liberté de ma respiration…
Elle s’appuie donc sur l’expérience concrète, personnelle, et autonome, tant du praticien que de la personne.
Le praticien  ne sait pas quelle sera exactement la bonne solution pour le sujet. Celui ci devra par lui même au travers de ses propres sensations déterminer de façon fine ce qui convient à sa structure personnelle.

4) Expérience du mouvement et de la posture

Il s’agit donc en Education Somatique de proposer des expériences du corps en mouvement tout en invitant à être l’observateur de l’expérience.

  • proposer des expériences du corps en mouvement :

Le praticien  propose une variété de mouvements qui balaie l’ensemble des possibilités d’activités corporelles du sujet pour lui permettre par l’observation de découvrir « comment il fait ce qu’il fait » .
Le sujet pourra ainsi valider les stratégies corporelles efficaces et confortables et explorer aussi d’autres possibilités d’agir, trouver des nouvelles façons plus harmonieuses de bouger, et d’être présent au monde.
Il peut aussi s’approprier les activités gestuelles qui lui permettent de se re-harmoniser quand son être (corps et (ou) psyché) a été soumis à des contraintes exigeantes  ou à des bouleversements.

  • Inviter à être l’observateur :

L’Educateur Somatique devra amener la personne à exécuter un mouvement, non comme elle pense qu’il doit être bien fait, mais comme elle sent que le corps est à l’aise pour le faire. Il s’agit moins d’obtenir un résultat que d’être réceptif a ce qui se passe, d’être dans une attitude d’écoute et de respect des sensations et des signaux donnés par le corps.
Nous sommes des êtres vivants incorporés (l’ «embodiment of life» comme le nomment de plus en plus d’auteurs anglo-saxons) où la réalité psychique est le reflet de la réalité somatique et la réalité somatique, le reflet de la réalité psychique.

 L’attention est souvent focalisée sur la zone corporelle le plus évidement en mouvement. Il s’agira donc en Education Somatique d’inviter à élargir l’attention, à observer ce qui ne bouge pas mais participe au mouvement, à ressentir les effets à distance dans le corps y compris sur les organes des sens, mais aussi dans l’état émotionnel, dans l’état de présence à soi, aux autres.
 L’objectif sera de discerner comment notre histoire, avec ses bonheurs et ses aléas, a tissé une trame de fonctionnement, performante pour certains aspects, mais peut être source de malaise ou de douleurs pour d’autres. Et de vivre dans l’expérience que nous pouvons trouver d’autres façons de fonctionner, que nous pouvons augmenter nos choix de stratégies, enrichir les voies possibles et ainsi les possibilités d’adaptation respectueuses de nous même.

Comme cela apparaît dans « les origines » de l’Education Somatique, c’est de cette observation subjective et partagée que naissent les savoirs de l’Education Somatique. Ces savoirs sont éclairés par les connaissances anatomiques, physiologiques, biomécaniques, neuropsychologiques mais ils ont la caractéristique d’être essentiellement pratiques et cliniques, se transmettant plus par l’oral et l’exécution concrète, que par un savoir théorique.

 

En résumé

Il ne s'agit donc pas d'apprendre un modèle de fonctionnement idéal mais d'améliorer les processus d'apprentissage par l'expérience corporelle, d’optimiser les processus d’autorégulation, de favoriser la capacité des individus à trouver par eux-mêmes, dans leur ressenti, la meilleure façon de fonctionner.
La dynamique est privilégiée, la fonction plus que la forme.
C’est une proposition d'un champ expérientiel invitant à se prendre charge, à chercher ses propres solutions et à avancer dans l’action.

De cet apprentissage émerge, de façon inattendue, marginale par rapport à la direction de l’intention et donc imprévisible, des résolutions de difficultés tant physiques que psychiques perdurant pourtant quelquefois depuis longtemps.

L’Education Somatique permettra aussi aux personnes confrontées à une limite, un handicap définitif, de développer des habiletés lui permettant d’intégrer cette limite dans son organisation et de trouver sa façon satisfaisante de fonctionner.

L’Education Somatique trouve donc  une place privilégiée dans les domaines de :

  • la santé, de toute évidence.
  • l’éducation : elle permet à l’enfant de développer sa capacité d’attention, de développer harmonieusement ses capacités d’abstraction tout en restant conscient de son corps en mouvement, de ses ressentis et de ses émotions.
  • la pratique sportive ou artistique, en apportant des outils pour une meilleure conscience du corps.
  • la gestion du stress : elle  permet à l’individu de trouver en lui même cet espace de sérénité où il peut se ressourcer même dans un environnement anxiogène.